L’hiver (Nathalie Gauvin)

Tulipes-Nathalie Gauvin

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L’hiver était venu et, avec lui, une sérénité paisible et pure qui avait chu sur les étangs gelés, figés comme des minéraux et sur la forêt endormie qu’elle habitait de son silence coi et sans écho, comme une neige tombée qui les aurait vêtus de la blancheur de sa guipure molletonnée et plongés dans la langueur indicible des rêves que le sommeil sussure et que la nuit perpétue.

Même le temps, saisi de la torpeur sépulcrale des tombeaux, gisait immobile en son cours suspendu, comme momifié dans son élan sous la morsure du froid, conjuguant les augures d’un éternel présent.

La lumière elle aussi semblait se reposer, ne filtrant plus que ténue, blafarde et sans éclat d’un soleil froid et anémique que voilait le coton laiteux de la nue ouatant l’horizon où se confondait la terre et le ciel.

Puis le vent s’était levé pour hanter de la plainte mélancolique de son rosaire, les vastes solitudes où ses parfums musardent, me ramenant d’un automne révolu, l’odeur des feuilles mortes et des herbes séchées, l’humidité de l’air où la neige a neigée et qui porte en son souffle léger l’effluve de l’eau et des frimas au sein desquels elle s’est condensée.

Et dans ce paysage engourdi et statique où mes pas feutrés se hasardent et que seul vient troubler le glouglou des ruisseaux, le génie des risées s’éveille tout à coup de sa léthargie et insuffle vie et mouvement aux flocons alourdis qui tombent mollement sur le sol inerte.

Il devient bourrasques et poudrerie et oblitère toute visibilité qu’il réduit à cet univers étroit où tout ce qui existe semble ne tenir qu’autour de soi, dans ce seul espace que le regard perçoit et peut encore appréhender.

Tout, au-delà, se heurte à l’opacité d’un suaire blanc, infranchissable frontière où la réalité s’estompe pour n’être plus que diffuse, utopique et relative.

De l’albédo du jour où midi à sonné, ne suinte sous l’opercule de la brumeuse nuée, que la timide clarté qui règne au crépuscule et qui décline en trois tons, le blanc, le noir et le gris, l’illusoire canevas de l’horizon, que scrute sans bruit, cherchant à le définir, mon chemin qui se lasse à devenir, priant l’aquilon de calmer ses tempêtes et de ses bourrasques les ires.

La prunelle inquiète, regardant derrière moi, de retrouver muette l’empreinte de mes pas que la neige est venue ensevelir, j’en cherche en tressaillant les traces qui, à mesure qu’elles s’effacent ne me voient pas venir…

Mais, comme une sentinelle, gardienne des empires, scrute à l’horizon le danger à venir, le corbeau s’est posé, silhouette spectrale, et ma route a guidé de son cri guttural.

Et la blancheur vélaire de la neige cristalline, se mit à scintiller de la lumière stellaire des étoiles opalines dont elle s’est pailletée.

Pourchassée par le vent, la nuée fuligineuse laisse filtrer du firmament l’éclat d’une lune gibbeuse qui nimbe de mystères les noires épinettes ployant sous leurs casquettes de neige, comme le dévot cortège des moines en prières vénèrent leur créateur et leurs péchés rachètent par la puissance de leur ferveur.

Et, tout, dans cette ultime frontière où l’hiver sublime toutes ses aigreurs et où s’alambiquent et se distillent les frimas et la froidure des milles rigueurs qu’en secret il sécrète, je contemple au matin, la magnifique lumière que le verglas, en ses glaçons reflète et mon âme extatique, le regard rêveur, rend grâce à Dieu et le louange pour l’éphémère beauté, la quintessente splendeur de ce lieu aussi merveilleux, qu’étrange, qu’est cette forêt féérique habitée par les anges et ornée de diamants qui brillent…

4 réponses à “L’hiver (Nathalie Gauvin)

  1. Un vocabulaire qui transcende les féeries habituelles, des images à la fois glaçantes et d’une luminosité sans pareille… voilà le style recherché et pourtant si vrai de Nathalie. Que de charme en ses phrases vivaces et si belles! Et nous en sommes à rêver de l’hiver…

  2. merci Bernard Charbonneau pour votre magnifique commentaire! Faites moi le plaisir de m’envoyer une demande d’amitié fb si ce n’est déjà fait et devenez mon ami de verbe et de poésie ! Il me fera plaisir de vous compter parmis les miens! Nathalie

  3. merci Ghislaine mon amie, tes mots sont un baume sur les maux de la vie. Ils apaisent les souffrances et permettent au merveilleux de renaître pour enfanter des élégies comme celles dont tu célèbres inlassablement l’esthésie avec toute la verve et la pertinence qui te font honneur. Nathalie

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