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J’ai souvenance d’un chant si beau qui résonnait
Comme l’écho des cathédrales en prière
Des mains d’offrandes qui jamais ne se refusaient
Qui rendaient grâce en s’écorchant contre la pierre.
J’ai souvenance des pas tracés dans le silence
S’usant à défendre un chemin dans la poussière
Pavé de sens, de foi, d’horizons, de lumières
Pour vaincre ma déroute, baliser mon errance.
Je me souviens des mots de rêve qui m’inventaient
Plus de château que n’en a su vaincre le temps
Ta magie a fait des cailloux que j’apportais
Des pierres de lune au creux de mes mains d’enfant.
J’ai vu tes rêves jetés au vent de l’existence
Comme un espoir déçu qui cache sa souffrance
Venir coucher le souvenir d’avoir été
Sur le lit de mousse des jardins oubliés.
J’ai vu ton être fracassé par la détresse
De ceux que l’on condamne et qui n’ont de richesse
Que le secours d’un cri lancé comme un appel
Qui se résigne à n’atteindre jamais le ciel.
Mais, avant que ton âme ne me soit racontée
Que j’en connus la noblesse, la rare beauté
C’est une belle comme le bouton d’une orchidée
Qui est venue cueillir ta promesse d’aimer.
Tendre fut le regard que sur elle tu posas,
Quand, dentelles éparses et volants alanguis,
Le vent qui l’effleura, comme un amant épris
L’abandonna, offerte, sur l’herbe pour toi.
Fleur de mai, tu as volé le cœur de celui,
Qui prit ta main comme un poème que l’on écrit
Quand on veut faire durer je t’aime plus qu’une vie
Et rester infidèle au Dieu qu’on a choisi.
Longtemps me poursuivra ton aura de tendresse
Le flux de son histoire se mouvant dans tes gestes
Comme le grain de sable qui invente un désert
Ta vie sera mon legs pour créer l’univers.
Aux versants des frontières laciniées de chimères
Qu’ont transcendés les poètes, au gré de leurs vers
J’irai quérir ta main, qu’empresse le départ
Traquerai les confins des mondes invisibles
Où m’échappe ta fuite que je sais sans retour.
Sans pouvoir m’affranchir de ma peine indicible
Qui dérive et naufrage dans l’eau de mon regard
J’épuiserai mes jours qu’ouvrage ton amour.
Quand, après toi, deviendrai l’arbre défolié
Qui n’abritera plus l’oiseau et sa nichée
Quand se taira le vent qui me faisait chanter
Et que s’affûtera la hache pour me briser
Avant de m’abattre sur la terre, éventrée
À force de combattre l’usure des années
Je tendrai les bras au ciel, encore une fois
Pour en éteindre les feux du bout de mes doigts
Ne laissant que mon tronc gravé des milles pas
Qui, jusqu’à Dieu, ont tracé leur chemin de croix
J’irai m’endormir bercée du son de ta voix
N’effeuillerai ma dernière pensée que pour toi…
Et sur la glèbe inerte où mon âme s’est tue
Se creusera mon lit, de rivières, jusqu’à toi
Dissolue dans la vague que marée perpétue
J’écumerai le rivage où tu m’attendras…