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La santé? Mais voyons, bien sûr que TOUS nous savons ce que c’est!
Vous me parlez de celle qui est de tous nos débats, de tous nos combats.
Véritable cheval de bataille de tout un ministère, trônant fièrement à la proue de nos institutions de santé, elle est de celle dont on s’occupe et se préoccupe, sans relâche, de la main qui soigne et apaise aux grands décideurs…
Vous me parlez de celle qui, d’études en colloques et de conférences en formations est analysée, décortiquée, quantifiée, qualifiée, estimée, rentabilisée, comptabilisée et j’en passe… comme si elle était une chose abstraite et loin de nous qu’il nous faille rendre concrète et prévisible. De celle qui a canalisée les énergies et les ressources de tous ceux qui ont eu l’ambition honorable de la définir selon des critères si précis qu’elle ne pourrait plus, désormais, receler aucun mystère…
Vous m’en direz tant!
Serait-ce devenu un idéal qui soit si loin de nous, si théorique, que nous ne le voyons pas lorsqu’il nous échappe? Que nous ayons perdu cette aptitude à le défendre lorsqu’il est mis en péril sur notre propre terrain?
La santé, celle qui nous touche, qui prend racine dans l’air que l’on respire, l’eau que l’on boit, qui nous habite et nous entoure, celle qui est le fruit de nos expériences humaines et culturelles, celle que nous devrions intégrer au plus profond de nous-même, non pas comme une chose acquise, mais comme un don précieux, fragile, parfois fugace, un don à partager, respecter et apprivoiser sans cesse, un don qui se nourrit de gestes simples et quotidiens (comme celui de se laver les mains) et de l’effort de tous et chacun à le préserver, le cultiver et le transmettre à ceux qui nous suivrons, comme un espoir et un héritage.
La santé, celle qui se veut volonté, volonté de faire plus et mieux, d’agir, de créer, de tendre vers un mieux-être qui se veut également et surtout COLLECTIF, transcendant l’individu lui-même. Mais aussi celle qui devient attitude, responsabilité, visionnaire, comme un regard porté en avant, qui permet de définir, réajuster et surtout assumer nos actes, afin qu’ils reflètent, supportent et engendrent toujours cette promesse, cette philosophie du mieux vivre.
Santé… que ne deviens-tu pas cette âme errante aux frontières de l’absurde et de l’inutile, lorsque je te vois, hélas, encore suffocante et asphyxiée, rêvant d’un idéal imaginaire et pourchassant, en silence, tes chimères éthérées dans les entrailles enfumées de ces hauts lieux du savoir où l’on t’a mise au monde, où l’on t’encense et te couvre d’éloges et où l’on a promis de te défendre haut et fort, en balisant ta voie, de lois, d’écriteaux et de règlements pour interdire les gestes par lesquels on pourrait te menacer, alors que j’ai vu fumer pendant des années, en toute impunité et dans l’indifférence la plus générale, aux vus et su de tout un chacun, ceux qui avaient pour mandat de t’analyser, te défendre et te gérer, au cœur même des édifices de santé sensés être ton antre sacrée et ce, devant les écriteaux qu’ils ont eux-mêmes mis en place pour condamner les gestes qui pourraient te porter outrage, causant préjudice à la santé de nombre de leurs collègues en polluant l’air qu’ils respiraient.
Santé, ces lois, ces règlements, ces écriteaux pendant des années n’ont répondus à l’écho de ton silence, que par un silence que l’on a si longtemps toléré mais que le rêveur ne comprenait pas et a dénoncé en subissant menaces et représailles…
Ce n’est que bien des années plus tard, que l’on sévit enfin contre les contrevenants et que les lieux publics devinrent enfin, véritablement, des lieux exempts de fumée…
Intéressant, bravo Nathalie! À envoyer à un journal!