
Te souviens-tu mon tendre ami
Du temps béni de la jeunesse?
Où armé de plus de promesses
Que les serments que l’on professe
Et l’or de toutes les richesses
Nous rêvions sous la lune pleine
Couchés sous la voûte d’ébène
À respirer la même haleine
À faire de nos mains incertaines
Les maillons de la même chaîne.
Mes yeux dans tes yeux d’obsidienne
Ta bouche qui cherchait la mienne
Aux confluents des mêmes peines
Jurant au sang des mêmes veines,
Nous bûmes aux larmes de ta fontaine
L’eau de vie rendant souveraine
Celle, qui, sous ton mât de misaine
Offrit à l’étreinte de ta carène
Les voiles blanches de son hymen.
Déflorée d’une extase soudaine
La cyprine de sa nature humaine
Mouilla sa peau de porcelaine
Là, où ta main profane se promène
Et consacra les replis de cet éden
Qui la fit ondine et toi capitaine.
Je suis ce royaume dont tu es reine
Toi, dont l’amour est le domaine
Je serai ton humble mécène
Mon cœur est tien, douce sirène.
Mais se meurt tout ce qu’à jamais l’on s’est promit
Quand se lève l’aube traîtresse
Et qu’il ne reste de nos ivresses
Que le souvenir et la tristesse
Seuls amants dont je suis désormais la maîtresse…