
Karina, déesse de l’Amour. Les aventures sensuelles et sapientiales de la déesse domaniale intendante immémoriale du sentiment suprême — un roman de Paul Laurendeau (recension par Hélèna Courteau).
Publié chez ÉLP éditeur Karina, déesse de l’Amour est le vingtième livre de Paul Laurendeau.
Par un beau matin d’hiver, dans la voiture se dirigeant vers l’UTA à l’antenne de Saint-Laurent pour un cours de philosophie, l’auteur glisse son dernier livre sur mes genoux. Comme la bibliographie de Paul Laurendeau est assez éclectique, passant de l’essai au recueil de poèmes, visitant le roman fantastique ou le récit, je ne savais à quoi m’en tenir…
Si Laurendeau voyage d’un genre à l’autre, cela ne signifie pas que les lecteur/trice.s ne le reconnaîtront pas, loin s’en faut. La langue caractéristique de l’écrivain sublime le genre.
En effet, d’un livre à l’autre, une langue fluide donne l’impression que les mots s’écrivent sans discontinuer, sans lever la plume du papier; le sentiment qu’on nous conte une histoire tout près de l’oreille.
Karina, déesse de l’Amour parle des mythes à la saveur Laurendeau. Ces dieux et déesses, savoureux à leur façon, entraînent les lecteurs et les lectrices dans des aventures paradoxales et drolatiques.
Mais qu’on ne s’y méprenne pas, le récit de Karina aborde des thématiques tout à fait contemporaines telles que la monogamie versus la liberté d’aimer et les sentiments liés communément aux relations intimes, la jalousie, l’envie ou le désir de possession.
Au long des 229 pages, la quête de Karina n’a de cesse de s’exprimer à travers les époques et les lieux. Elle se révèle à elle-même à travers les êtres qui lui sont chers durant, comme elle nous dit, de petits bouts d’éternité.
Aussi, je considère, en conscience, que l’on ne doit pas nécessairement faire sa vie éternelle avec le même homme ou le même dieu. Si l’on découvre subitement quelqu’un qui nous suscite des sentiments plus forts, eh bien, il ne faut pas hésiter à sauter d’une barque à l’autre. Nul devoir abstrait ne nous ligote à une option et ne nous contraint, contre l’appel pulsionnel du sentiment suprême. (p. 157)
Les chapitres vont ainsi d’un homme ou d’un dieu à l’autre jusqu’à une finale étonnante et parfumée dont je ne dévoilerai rien ici.
Confrontée aux rencontres masculines, la déesse abordera de front ses sentiments vis à vis l’Amour. À ce propos, une conversation atypique entre le dieu de la guerre Léonidas et le dieu forgeron Séverin fait sourire. N’oublions pas qu’ils illustrent deux archétypes masculins. Mais Léonidas, pour sa part, est beaucoup plus perturbé… Il veut comprendre comment Séverin est arrivé si simplement à séduire, comme ça, la déesse de l’Amour…De fait la déesse de l’Amour semble subitement très éprise de ce personnage aux bras noueux, au dos massif et courbé, aux cheveux et à la barbe en désordre, aux yeux profonds, et qui ne pense qu’à son travail. Comment un quidam pareil a pu surclasser une figure de beauté, de puissance et de hauteur masculine comme peut l’être le dieu-lion Léonidas…
– Qu’est ce que j’ai fait? Qu’est ce que je n’ai pas fait? Qu’est ce qui me manque pour qu’elle me revienne, plutôt que d’aller s’intéresser à un hirsute, un malpropre.
– Oh dis voir. Restons polis…
– Séverin, je n’arrive pas à me faire une idée adéquate de qu’est ce qui a bien pu survenir, dans mon couple […]
– Écoute mon petit vieux, je sais pas quoi te dire. Je crois que la déesse de l’Amour se concentre beaucoup sur ce qui se passe à l’intérieur de son partenaire. (pp 123, 128, 130)
Décidément, dans le monde de la mythologie, les dieux prennent le temps de discuter franchement. Comme le souligne le dieu Séverin, il n’y aurait pas de gagnant dans une rixe éternelle.
Les caractères des personnages sont tirés librement de la mythologie grecque et romaine. Karina, déesse de l’Amour est un texte libre ou la fiction côtoie la philosophie. Jouissif.
Bonne lecture.