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Le marchand
Cultive
L‘art des mots
Dans son arrière-boutique
Une fenêtre s’ouvre sur l’eau de mer
Son littoral l’inspire
Fier de son art
Il l’use comme bon lui sent
C’est qu’il est généreux

Par marée montante
Les mots se soulèvent
Il sait les saisir
En fabrique des guirlandes
De couplets les déclame
En poème salutaire

Il les ajuste en fabrique
Un remède lyrique
Une potion d’éther une pointe de pavot
Qu’il déclame, les abreuvent
En nobles sentiments
Quand l’heure du thé
Des tristes dames en détresse
Entrent dans sa boutique
Les larmes ne retiennent

Ses mots dans l’officine
Sur ses tablettes s’étalent
En partitions sonores
Celle de sa voix chantante
Ne sentent que les myosotis
Il les place en marguerites
En écharpe les drapent en pansement
Le cœur des femmes meurtries

Délicatement prodigue
Avec une ardeur certaine
Il les entoure de précautions
Ses dames venues de loin
Lui prêt à tout faire pour elles
Des courbettes des rimettes des chansonnettes
Tout pour plaire pour les endormir
Et puis la tisane pavot de mots à profusion

Ces fidèles dames fardées
De tant de maux de chagrin
Elles frôlent d’envie
En son lieu s’abandonnent
Elles se noient littéralement
Dans le flux de sa prose
Dans la marée de ses mots
La tisane elles en réclament

Sous l’effet de l’éther d’opium et des mots enivrants
Clignent des yeux, penchent à la renverse sur le côté

Quand la vague haute s’approche
Il ouvre sa fenêtre se tait
Le vent s’engouffre puis les attire
Il laisse la mer les accueillir
Le requiem leur ferme définitivement les yeux
Les dames s’engouffrent s’étouffent sous l’eau
Lui d’une main leur offre son ultime adieu
La mer n’a qu’à se remplir d’elles

La marée se retire
Il retourne cultiver ses fleurs
Il ferme boutique, demain reprendra
Un jour une plus hardie
Se présente l’attrape au collet
Dès qu’il entonne le premier couplet
Elle l’étouffe de ses douces mains
Sa tête avait été mise à prix
Elle ouvre la fenêtre attend la vague et le pousse
Il retourne à la mer sa source