Le jour des tragiques événements du 8 janvier 2015, Nicolas Hibon a écrit à l’équipe d’ÉLP éditeur pour lui communiquer son désarroi. Il a connu Wolinski par hasard pendant l’été 2013 en tant que voisin de table dans un restaurant quelque part en France. Spontanément, il lui a demandé d’illustrer la couverture de son roman à paraître: Chambertin et Cubidon. Et Wolinski a accepté après avoir lu le manuscrit. Il l’a fait pour le plaisir, pas pure amitié pour celui qu’il venait à peine de faire la connaissance et ce, sans rémunération aucune. Le roman est paru en décembre 2013. Nous reproduisons ci-dessous le message de Nicolas Hibon.
J’ai comme un gros goût de merde dans la bouche. Ça pue l’obscurantisme, l’intransigeance, la haine et tout un cocktail nauséabond d’inhumanité. Dire que l’envie de vomir ne m’a pas quitté n’est rien, elle m’habite depuis ce matin. Je n’ai pas seulement perdu un copain qui m’avait spontanément fait cadeau de son talent alors que je ne le connaissais pas, mais un des derniers repères véritablement humains de notre société. Si Wolinski et les autres sont morts entourés de ceux qui ont guidé leurs vies, c’est de la plus atroce façon, par la main de la lâcheté et de l’ignominie.
J’ai eu le privilège de rencontrer Georges à plusieurs reprises, et de pouvoir passer quelques moments d’exception avec lui. Par moments d’exception, j’entends autour d’une table bien garnie loin de toutes phrases définitives et des connards puant les mondanités. Il me racontait un jour s’être rendu chez Reiser accompagné de quelques copains de Charlie quand ils avaient appris sa mort. D’ailleurs, tous remarquablement éméchés par la douleur et l’alcool qui enjolivent le pire. Lorsqu’ils sont entré chez Reiser, mort quelques heures plus tôt, et probablement parce qu’il refusait sa mort, l’un d’eux s’est écrié : « Ben, pourquoi vous faites cette gueule? Y a quelqu’un qu’est mort ? »
Je ne suis pas de ta trempe, Georges. Ta mort ne me fait pas rire, et ça faisait longtemps que j’avais pas chialé.
On est tous des enfants de Charlie et, aujourd’hui, j’ai encore perdu un papa.
Tu salueras Cavanna pour moi, s’il te plaît, Georges. Et bien le bonjour aux mille vierges.
Nicolas Hibon, auteur