Paul Laurendeau: L’hélicoïdal inversé

Un recueil de poèmes publié par ÉLP éditeur

Un recueil de poèmes publié par ÉLP éditeur

Énonçons d’emblée un truisme : on ne lit pas un poème comme on lit une nouvelle ou un roman. Un poème, on le lit lentement. Il ne nous entraîne pas via une intrigue qui nous tiendrait en haleine, bien entendu. Le poème nous accompagne, il participe à notre vie. Le support idéal de lecture est sans contredit le smartphone, celui qu’on a toujours à portée de main. Vous êtes dans le bus : vous vous arrêtez quelques instants pour lire un poème. Dans le métro ? Idem… Évidemment, on peut encore lire des poèmes bien calé dans son fauteuil, un livre ou une lieuse posé sur ses genoux. Un recueil de poèmes est un compagnon de vie. Et c’est tout ce qui compte à mes yeux.

Voilà pourquoi je me penche maintenant, et seulement maintenant, c’est-à-dire deux ans après sa parution, sur L’hélicoïdal inversé, le recueil de poèmes que Paul Laurendeau a fait paraître chez ÉLP éditeur en 2013. C’est que Paul Laurendeau est un poète généreux. Chacun de ses recueils compte facilement deux cents poèmes… et certains de ces poèmes exigent plus d’attention que d’autres. Mais il est peut-être là, finalement, le maître mot du lecteur de poèmes: il doit y consacrer de l’attention. La lecture peut procurer une détente, certes, mais pas de la même façon qu’un roman. On ne lit pas un poème pour oublier ses tracas, ses soucis, des problèmes du quotidien. Non, on lit un poème pour plonger en soi, pour découvrir que la langue, en plus du sens qu’elle apporte aux phénomènes, a également une sonorité, laquelle peut faire éclore en nous des sensations ou, si vous préférez, des sentiments. Certes, je lis la plupart du temps un poème en silence, parce que je me trouve dans un bus bondé ou dans un métro bruyant, mais le soir, en rentrant à la maison, j’en relis certains à haute voix, et c’est là que le texte révèle tout son sens – mais peut-on vraiment parler de sens ? –, toute sa beauté.

Je connais Paul Laurendeau depuis le temps du collège. Je me souviens qu’un jour, alors que nous nous trouvions en compagnie de Sinclair Dumontais, un auteur de romans et de nouvelles dont certains sont publiés chez ÉLP éditeur, Paul a dit à celui-ci : « La poésie se fait avec des mots, pas avec des idées. » Je ne sais pas pourquoi, mais je n’ai jamais oublié cette conversation que nous avons eu à trois dans une brasserie de Repentigny. Dumontais, le romancier, pris de court par Laurendeau, le poète. Eh bien, il avait raison, le poète : en poésie, le son a autant d’importance que le sens qui se rattache au mot. D’ailleurs, dans le poème d’ouverture de L’hélocoïdal inversé, Sonnet des mots et de la chose, cet énoncé se trouve bien illustré :

D’avoir rencontré le mot
M’a fait capturer la chose
Dans un angle que la prose
n’avait su mettre en lambeaux… rameaux de lambeaux…

Cataractes et dominos,
Grenade de fond de la chose,
Tu as persiflé ta cause
en chuintant d’entre les mots.

J’ai osé cueillir ces roses
Ataviques. De l’air, de l’eau.
On ne refait pas la chose
Quand elle vous triture la peau.

Puis, puit, Puy…

Forain, j’ai gauchi ma pose
Et jonglé avec trois mots…

En complément de titre de L’hélicoïdal inversé, Paul Laurendeau inscrit : « Poésie concrète ». Qu’appelle-t-on « concret » quand il est question de poésie? Il s’en explique dans le poème justement intitulé Poésie de la concrétude :

Mon rendez-vous à moi avec la concrétude
C’est donc d’évoquer, de décrire, de narrer la multitude
De ces faits biscornusiers que la signification touche.
Cette réalité référable bombine comme une mouche
Sur la vitre de tous nos sens. Et j’entends en parler
Comme on la filmerait, sans craindre, sans dévier.
C’est pas dans ma texture mais bien dans ce que je dis
Que vous percuterez la concrétude de ma poésie.

Je vous invite donc à aller à la rencontre du dit de Paul Laurendeau en vous procurant ce recueil de poèmes de cet auteur hors norme. Un recueil généreux, tout autant que son auteur, qui vous tiendra en éveil pendant des semaines, voire des mois.

Paul Laurendeau, L’hélicoïdal inversé, poésie concrète, 2013, 4,99 € – 6,49 $, disponible sur toutes les plateformes et, sans DRM, sur 7switch

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