Le dernier arbre

Le dernier arbre, par Gilles Langoureau

 

Quand une barrière s’abaisse, toujours une autre se dresse. Dans un pays, quand volent en éclat les garde-fous qui structurent la société, il faut que de solides murailles soient bâties au préalable autour des gens pour les maintenir isolés, immobiles, encagés, impuissants, muets, et surtout bien occupés par les fadaises de la télé.

En pratique : si l’immoralité devient permise aux dominants, alors il faut que la moralité soit d’abord mise hors d’atteinte des dominés. C’est le B A – BA de toute politique bien confisquée.

Alors on inverse le sens des mots ;
Alors on entortille le sens des phrases ;
Alors on embrouille le sens commun ;
Alors on efface le sens du juste.

Lanceur d’alerte ? Fauteur de troubles, sale délinquant !
Tout ce qui est excessif est insignifiant.
Qu’on le fasse taire !
Que la nation toute entière méprise le séditieux activiste.
Journalistes, indignez-vous !
Repeignez-lui le nez en rouge,
Mettez-lui deux belles cornes,
Dites qu’il hurle, que c’est un singe,
Un fou, un bientôt terroriste.
Jetez aussi en pâture à l’opinion
Les couillonnades d’un autre couillon,
Et gardez caché le crime immense
Qui se commet
En mon palais.

L’on montre à la télé :
Un pétrolier qui souille écologiquement ;
Un bétonneur qui détruit durablement ;
Un financier qui dépouille légalement,
Pour créédésemploi, hâssurément.

Ah, mais le gouvernement ment sincèrement !
Grâce à quoi des princes s’installent, planétaires,
Et nous n’en savons rien.

Ici, Langoureau nous dessine un futur possible :

Dans un monde sillonné de vampires où toute nature est tue et où l’humain est pâture, des esclaves, des flics, des mendiants, des vendeurs, des voleurs, des miliciens, des manœuvres, des putains – mais pas d’artistes, ô Gilles, car ils sont tus – descendent, le soir, se rassembler devant un bocal à l’intérieur duquel une équipe gouvernementale, pour faire plaisir à la frange écologiste de ses téléspectateurs, aura enfermé, je cite :

« Pour le préserver de la pollution
Et de la population,
Le dernier arbre naturel
De la Création. »

Amen. Sauf qu’il est en plastique, évidemment.

 

Le site du plasticien

 

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