Comment peut-on s’appeler Couillard?

Le couillard était une cargue supplémentaire qui permettait de replier les voiles en poches...

Le couillard était une cargue supplémentaire qui permettait de replier les voiles en poches…

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Inévitablement la question sera dans toutes les… je veux dire sur toutes les lèvres. D’où vient l’anthroponyme Couillard, le nom de notre nouveau Premier Ministre? Sans vous assommer de sources et de citations, je vous propose hardiment trois hypothèses:

1) Couillard «celui qui a des couilles». Le mot couillard est au Grand Larousse de la langue française au sens non pas d’un être humain mais bien d’un animal de ferme (bœuf ou bélier) possédant des testicules, ou de bonnes testicules. La tentation coquine d’une transposition humaine directe, donc, de ce qualifiant doit tenir prudemment compte des particularités des civilisations agraires. Contrairement au bouc ou au bélier, le bouvillon cornu ne se distingue empiriquement d’une génisse ou d’une vache, toutes aussi cornues, que par le fait de porter des testicules en lieu et place des pis. Le couillard du troupeau, c’était donc le bœuf. Or, du temps de la colonie, le bœuf, qui servait à féconder les vaches pour les maintenir laitières, desservait souvent plusieurs troupeaux distincts. Un homme se spécialisait donc éventuellement dans l’art de promener le couillard de ferme en ferme pour procéder aux inséminations. Croyez-le ou non, mon ancêtre, Jean Rolandeau, a fait cela circa 1673. Par métonymie, le monsieur convoyant le couillard a bien pu se mettre à être désigné le monsieur couillard. Présumer que le commentaire s’appliquait à lui ouvertement serait un regrettable anachronisme. C’est la bête qu’il escortait qui lui valut l’apposition du qualifiant, celui-ci certainement plus prosaïquement descriptif qu’ouvertement admiratif d’ailleurs. Le nom Leboeuf a indubitablement une origine similaire.

2) Couillard «cargue supplémentaire». Le couillard était aussi une cargue supplémentaire qui permettait de mieux tenir les voiles repliées d’un voilier. Celles-ci alors se *couillaient, faisaient une poche. Et les cargueurs en charge d’installer le couillard purent parfaitement être dénommés des couillards, ce qui ouvre une voie directe au passage à un anthroponyme de métier ou de fonction, comme Voyer, Boulanger, ou Ferron.

3) Couillard «type de catapulte». Le couillard fut aussi un type de catapulte, dont le contenant-fronde faisait poche. Le servant de cette catapulte était du couillard. Les noms de fonctions militaires, comme Grenadier, Bombardier, Lemaréchal ont eux aussi leur présence au Québec et dans les Amériques mais on aurait ici en fait une anthroponymie d’objet (et non de fonction) venue du vocabulaire militaire. C’est plausible car ces types de métonymies sont fort fréquentes en patronymie.

La première hypothèse est la plus tentante, la plus tangible, la plus palpable… Mais il faut se méfier du fait que c’est le cas parce que tel est le seul sens du mot en cause encore motivé en français moderne! la remotivation étymologique (dite aussi étymologie populaire) nous guette au tournant, donc, ici. Prudence avec ce mot dans son acception moderne, comme avec ces choses, du reste… La seconde hypothèse se conforte dans le solide paradigme des termes mariniers dont nous héritons au Québec. Mais l’attestation de *couiller comme action de carguer avec le couillard et de *couillard comme personne qui appose ladite cargue-couillard fait difficulté. La marche, comme la mâture, est quand même un peu haute entre le nom de l’objet et le nom de celui qui le manipule ici. Finalement, la troisième hypothèse, celle venue du monde des termes militaires, est fort tentante aussi car elle a l’avantage, comme dans Martel, Labranche, ou Bureau de ne pas avoir à passer par un dérivé depuis un nom de métier ou de fonction sociale. Le nom de l’objet suffit. Mais ces catapultes ont le désavantage de dater du Moyen-Age, ce qui oblige quand-même notre anthroponyme à traverser presque un demi-millénaire sans altération phonétique majeure. Pas évident, linguistiquement, ça non plus.

Pour tout dire comme il faut le dire, des charmes indéniables et des difficultés cuisantes perlent avec chacune de ces hypothèses, donc. Elles sont un bon départ de recherche, en tout cas. Si vous trouvez plus, n’hésitez surtout pas à commenter ici avec vos résultats. Aime, aime pas, on en a pour cinq ans à se poser la question maintenant. Vaut mieux s’y mettre…

Notons finalement que pour les deux autres chefs de l’élection 2014, le problème est beaucoup plus limpide. Le Lexique de l’ancien français de Frédéric Godefroy nous donne la clef très facilement. Marois «maritime, marin, de la mer», Legault de gau(l)t «bois, forêt» donc «la forêt». Des anthroponymes sur toponymie commune comme il y en a des centaines: Fore(s)t, Laforêt, Dulac, Larivière, Deschamps, Lamontagne, Lavallée, Dumont, Duval, Laroche, Lapierre, Lamothe, Dubois, Duchêne, Dufresne, Marais, Desmarais, Lalande, Deslandes, Laberge, Beauchemin, Boisjoly etc.

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