Quarante-quatre coquillages de Méditerranée (Allan Erwan Berger)

CHICOREUS CORNUCERVI. Röding 1798. Synonyme : MONODON. 102-114mm. Photo: Allan Erwan Berger

CHICOREUS CORNUCERVI. Röding 1798. Synonyme: MONODON. 102-114mm. Photo: Allan Erwan Berger

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Ysengrimus (Paul Laurendeau): Alors Allan Erwan Berger, vous publiez chez ÉLP éditeur un ouvrage intitulé Quarante-quatre coquillages de Méditerranée. C’est indubitablement le texte passionnant d’un passionné. Parlez-nous donc d’abord un peu de ce qui, en vous, fait de vous un conchyliologue si ardent?

Allan Erwan Berger: C’est la lecture, c’est la découverte de la mer, et c’est le système des récompenses institué par mes parents. Chaque fois que j’avais de bonnes notes à l’école, en fin de mois je recevais un cadeau. Au début ce furent des livres sur les animaux, puis un jour ce fut, dans cette collection, le numéro sur les animaux marins: je découvris la faune magnifique et si étrange, si extra-terrestre, des mondes aquatiques. Au fond des images, comme de petites étoiles posées dans le paysage, apparurent les premiers coquillages de mon existence. Je me mis à rêver d’eux. On m’en offrit un. Puis on m’offrit un livre sur eux, livre qui reste une de mes références car l’auteur a parfaitement su cerner la fascination qui a été exercée sur les humains par ces êtres si particuliers. Il s’agit de Roderick Cameron: Les coquillages, Hachette, 1964, trad. M. Matignon. On y découvre des gravures d’anciens cabinets conchyliologiques des siècles passés: une profusion baroque qui comble l’esprit, et donne soif. Ainsi devins-je collectionneur. Puis, le temps passant, je devins conchyliologue amateur: m’intéressant non plus à la possession des objets, mais à leur étude comparée. Aujourd’hui, je me sépare d’à peu près tout ce que je reçois, enregistrant les nouveaux venus dans un atlas en ligne visité quotidiennement par des nuées de collectionneurs et d’amateurs, et corrigé constamment par les contributions amicales de ceux qui savent quelque chose que je ne savais pas, ou que je savais mal – en ce sens, Internet permet de faire bondir le niveau des connaissances à une vitesse sans mesure avec ce qui se pratiquait au temps des missives en papier, quand les recherches documentaires étaient obligatoirement menées en consultant des réceptacles non interactifs. Donc, je reçois des choses à tomber de ma chaise, j’en garde quelques unes, je relance le reste dans la mêlée. J’ai réussi par conséquent à échapper à la fascination de l’entassement, qui est une avidité sans fond; ceci me permet de rester plus froid, et peut-être alors plus amoureux. Voilà pourquoi je ne me décris plus comme un “collectionneur”, mais comme un “conchyliologue amateur”, qui agit de toutes ses petites forces dans le registre du dilettantisme cher à Daniel Ducharme.

Y.: Et, disons la chose comme elle est: transmet jubilativement son enthousiasme… Alors dans votre ouvrage on retrouve de magnifiques photos de coquillages. Vous les avez pris vous-même, elles proviennent d’ouvrages savants ou les deux? Comme corollaire à cette question, vous évoquez toutes les plages et fonds marins du monde (monde méditerranéen mais pas seulement) d’où proviennent ces petites merveilles. Elles ont été cueillies par vous, par d’autres, ou les deux? Comment se répartissent les dimensions directes et indirectes du savoir, ici?

A.E.B.: Toutes les illustrations sont de Berger, et sont mises sous licence [CC BY-SA 3.0]. Les coquilles sont soit pêchées par moi (principalement les espèces de faible profondeur), soit par d’autres personnes (principalement les espèces de grands fonds). Mais dans mes tiroirs il y a des choses du monde entier, que je ne peux donc avoir toutes pêchées – il n’y a d’ailleurs pas que des coquilles. Par exemple les deux cornucervi de l’illustration supra ont été récoltés à la limite extrême d’une marée très basse, sur un récif envasé de la région de Dampier, au nord-ouest de l’Australie. Aller jusque là-bas, arracher un permis de pêche, passer par l’intermédiaire d’un commerçant agréé pour faire franchir les douanes à ces deux captures, les faire transiter d’un antipode à l’autre… Autant les commander. De tous temps, les conchyliologues ont reçu l’immense majorité de leurs coquilles sans sortir de leurs chers cabinets. Nous avons ici affaire à une population de cloportes, blanchis à l’ombre des études, qui passent leurs vies le nez dans les écrans et les bouquins, à tapoter sur leurs claviers au milieu des odeurs inquiétantes des coquilles mal vidées qui sèchent sous un bureau, des produits chimiques de fixation, des chairs pourrissantes parfumées à la putrescine tapies dans des placards suspects. J’ai en ce moment un paquet de spécimens récoltés aux Samoa il y a un an, stoppés dans un mélange d’alcools, qui s’impatientent dans la cave, rendant celle-ci aussi charmante à renifler qu’une morgue. Lorsqu’on collectionne des coquilles marines, il est difficile de ne pas répandre une certaine ambiance autour de soi. C’est un combat. Mais pour en revenir aux «plages et fonds marins du monde» que vous mentionnez, cela se réfère aux indications de capture, aux données environnementales, à tout le data sans lequel un item n’est plus rien qu’une enveloppe vide. En sciences naturelles, un item doit transporter avec lui toute son histoire, ce qui permet de comparer celle-ci avec les histoires d’autres items semblables, afin de lever des mystères sur la répartition, l’habitat, l’évolution des communautés, ce qu’elles mangent, ce dans quoi elles se cachent, comment et pourquoi elles se camouflent, avec quoi elles s’associent, quels sont leurs parasites et leurs commensaux.

Y.: Vous mentionnez les commerçants avec lesquels, donc, il faut implacablement composer. Ça semble d’ailleurs être tout un import-export que celui des coquillages. Vous évoquez d’ailleurs à plusieurs reprises, dans votre ouvrage, le peu recommandable impact de connaissance de la dimension commerciale de la conchyliologie. Il semble que certaines «sous-espèces» de coquillages soient littéralement fabriquées plus sous la pression des priorités d’esbroufe marchande que dans une perspective de vraie description biologique. Qu’est-ce que c’est exactement que cette combine?

A.E.B.: C’est tout simplement l’avidité, sous deux formes qui sont complémentaires. L’une agit dans le registre de la construction de la persona, et l’autre dans le registre de l’intérêt vénal. La seconde naît de la première. Il faut d’abord que des collectionneurs ou des conchyliologues se sentent la fringale de publier la description d’un nouveau groupe, que l’on qualifiera, au mépris de toutes les évidences évolutionnistes, de «sous-espèces», pour que les marchands embraient et, sachant pertinemment qu’un bon quart de leurs clients amateurs et amoureux vont se jeter dessus à n’importe quel prix du moment que c’est le plus tôt possible (pour faire les malins auprès des confrères malheureux ou moins argentés), répercutent le nouveau nom dans leurs listes même si celui-ci n’a aucune validité taxonomique. Nous avons donc Machin qui, prenant argument que telle espèce a colonisé un nouvel endroit isolé de son aire naturelle et que, dans ce nouvel endroit, la plupart des spécimens semblent partager des caractéristiques morphologiques légèrement différentes de celles habituellement rencontrées dans l’aire naturelle, en conclut qu’il est fondé à pouvoir inventer un nouveau taxon de sous-espèce qui, puisqu’il sera le premier à le publier, portera son nom d’auteur à lui: Escargotus normalus broceliandensis Berger 2014… sous le prétexte que Berger aurait rencontré, en forêt de Brocéliande, des exemplaires à la spire plus étirée que la normale (ce qu’on trouve partout, mais qu’on trouverait plus souvent à Brocéliande même, dans certains boisés, pour toutes sortes de raisons environnementales qui nous resteront obscures, et de toute façon on s’en fout). À ce compte, les humains des forêts congolaises à faibles ressources alimentaires seront nommés Homo sapiens pygmæus Théodule 1914, tandis que ceux, tout aussi graciles, des déserts d’Afrique du sud seront nommés Homo sapiens kalaharensis Tartempion 2027. C’est faire fi des strictes définitions de l’espèce et de la sous-espèce, pour le plaisir chez l’inventeur d’alimenter sa gloire, et chez les marchands peu scrupuleux de piquer beaucoup de fric à tous les idiots des listes de diffusion. Bof bof bof. Un bon collectionneur doit avoir lu Épictète.

Y.: L’intervention humaine tend à bien vous casser les pieds, donc, en matière de coquillages. Les impacts de la susdite intervention humaine ne se restreignent d’ailleurs pas au domaine gnoséologique, il semble bien. Votre ouvrage mentionne à quelques reprises la portée de l’activité maritime humaine sur la vie même des espèces de mollusques. Vous nous parlez de ballasts transporteurs, de cueilleurs de moules comestibles qui, jadis, cassèrent les rochers où elles habitaient au point de bizouner tout un pan entier d’habitat, y compris pour d’autres espèces. Mais comme l’attention de votre travail se concentre en Méditerranée, vous faites fréquemment référence au perçage du Canal de Suez (ayant eu lieu entre 1859 et 1869) entre ladite Méditerranée et la Mer Rouge. Cette intervention humaine d’envergure semble avoir graduellement ouvert un monde de migrations bilatérales inattendues chez la gent coquilleuse de deux petits mondes jadis séparés. Impact positif? Négatif? Mixte?

A.E.B.: Si, de toute évidence, la destruction des rochers est indubitablement un phénomène qu’on peut estimer négatif dans le temps court, immédiat, de la survie d’une espèce, comment juger bien ou mal de l’impact des transports de larves d’un océan à l’autre, puisque toute la géologie méditerranéenne atteste de telles migrations, venues soit du nord soit du sud, en fonction des impacts climatiques? La seule différence entre le bateau-stop et la migration au gré des courants est que la première façon de voyager, “artificielle”, se fait de manière quasi instantanée par rapport à la seconde, qui est réputée “naturelle”. Puis-je proposer un criterium adossé à la mise en échelle des conséquences de tel ou tel phénomène? Quand des humains décident, sur deux mille kilomètres de côtes, de bousiller des rochers pour récolter des douceurs qu’on vendra bien cher, c’est moche car ça détruit les habitats de centaines de milliards de gens. Mais quand des cargos déversent des larves étrangères dans une mer isolée, ça n’a pas plus d’impact que lorsque des hordes de Blancs bien bondieusards et armés de whisky se déploient dans un pays rempli de bisons et d’indigènes amérindiens qui ne supportent pas l’alcool: lesdits indigènes s’en prennent plein la poire, les bisons sont décimés, mais le monde n’est pas entièrement ravagé. Les chiens de prairie sont toujours là, quelques “indiens” aussi, et ladite prairie se reconstitue cahin-caha sous les sabots des chevaux, nouveaux arrivants. C’est dur, c’est tragique, c’est sale et c’est salaud, mais on peut encore faire à peu près avec. Par contre, quand, dans bien des endroits de l’océan Indien, il devient interdit de ramasser une simple valve de palourde morte depuis vingt ans sous peine d’amende énorme, tandis que pêcher à la dynamite dans les récifs de corail ne coûte que le prix de la corruption des rangers chargés de le garder, alors là on va vers une destruction qui est adossée à une course effrénée: détruire un maximum tant qu’il y a quelque chose à en tirer, et merde aux suivants, on leur glisse une bonne quenelle bien néo-libérale. Autant dire que je ne mets presque pas de différence entre l’autorisation implicite de contourner la loi si on a du fric, et celle de déverser des millions de litres d’eau contaminée dans un océan, que cette eau soit radioactive comme celle de Fukushima, ou qu’elle soit simplement empoisonnée aux nitrates, phosphates et métaux lourds comme celle qui se jette dans le Golfe du Mexique en provenance des égouts nord-américains. Dans le cas des rochers dynamités, de Fukushima ou du Mississippi, l’impact est massif et laissera des traces dans la roche; dans le cas des ballastages, l’impact est combattu, compensé, négocié, et prend un temps considérable avant de faire évoluer les grands ordres. Tout le monde a le temps de s’adapter, et même celui d’entrer en résilience dans les zones où la conflictualité aurait engendré des phénomènes bien véhéments. Des coquillages de la Mer Rouge trouvés en Crète ne sont rien d’autre que de nouvelles occasions de manger des trucs bons avec un peu d’ail et un chouette vin doré ; tandis que des thons, pêchés au large de Bornéo, et farcis de particules radioactives, c’est imbattable, c’est incombattable, c’est invivable et ça devient presque irracontable. En outre, quand on retrouve les mêmes au large de San Diego, et que les bébés humains de l’Oregon sont atteints d’hypothyroïdie pour cause de pluies japonaises, on se dit que le bon Dieu a décidé de casser quelques milliards de kilomètres de cailloux pour nous vendre aux restaurants de Satan, et que le volcan de Fukushima vaut bien un lahar des temps préhistoriques, pour ce qui est des génocides. Après quoi l’on reporte son regard sur le Golfe du Mexique, et l’on constate que toute la zone périt sous la pollution nord-américaine, dont le niveau a plus que doublé depuis les années 1950. Ce que montrent les films de Cousteau n’existe souvent plus du tout. La surface en état d’hypoxie et même d’anoxie totale croît chaque année : tout être vivant qui y pénètre meurt sans échappatoire, à part quelques poissons rapides s’ils ont la chance de changer d’avis et de faire demi-tour. Voilà les effets du néo-libéralisme sans frein. Les porte-conteneurs et leurs ballasts sont donc bien inoffensifs en comparaison. Ah, tant que j’y suis, voyons quel est l’impact des vilains collectionneurs sur une pauvre plage innocente: je vous l’apprends, une simple tempête vaut dix ans de cueillette effrénée. Et une petite séance de beach-refreshing (dragage de sable marin extrait au large et répandu sur les plages pour enterrer les paquets de clopes, les crottes de chien et les mégots) ça vaut vingt tempêtes tropicales, plus trois tsunamis et deux tremblements de terre – je me demande si j’exagère assez pour être enfin réaliste?

Y.: En tout cas, ici comme dans votre ouvrage, vous nous montrez bien votre sens des grands cycles. Cette remarquable Méditerranée, notre vedette ici, est un exemple spectaculaire de ces flux de grands cycles, justement, révélés chacun à leur façon, par les séculaires mouvements de mollusques. Montées des eaux, baisses des eaux, hypersalinisations, glaciations, assèchements, engloutissements. Elle en a vécu des aventures macro-géologiques «notre Mer», depuis les temps connus ou supputés. Votre ouvrage fait fréquemment allusion aux variations de cette immense trajectoire stratifiée. Si je vous demandais, sans filet (oui, c’est un calembour…), à vous et à toutes vos petites amies ès savoir les coquilles, de nous résumer en diapo rapides la vie de la Mer Méditerranée des cent soixante millions de dernières années, ça s’esquisserait comment?

A.E.B.: L’Afrique se rapproche de l’Europe, comme une mâchoire qui, pendant au bout du monde, se referme. Pendant tout ce temps le niveau des océans ne cesse de monter et descendre au gré des variations climatiques. L’avant-dernière fois, le niveau a si bien monté qu’il a fracturé le col de Gibraltar, et produit une immense cataracte qui noya la plaine méditerranéenne, à une époque où celle-ci était presque hors d’eau suite à un intense épisode d’assèchement que l’on nomme la crise de salinisation messinienne. Plus récemment, le niveau ayant de nouveau monté au-delà de toute mesure, le col du Bosphore a été recouvert par l’eau, et une autre immense cataracte a creusé des cañons terribles dans les pentes qui menaient aux plaines de l’est, aujourd’hui recouvertes sous ce que l’on nomme la Mer Noire. À cinquante mètres sous le niveau de cette dernière mer, on découvre aujourd’hui des faciès de plages.

Y.: Super. Cela contribue à faire sentir la puissante modestie de l’anecdote aux chèvres chiquant des coquilles de Crète et vous menant à la découverte d’un quai antique en pleine campagne. C’est là un fugitif et étrange moment de quête et de soleil dont vos lecteurs auront la joie de découvrir la teneur empirique (et gnoséologiques). Ces (rares mais savoureux) apartés anecdotiques où vous vous mettez en scène, acteur fouisseur, investigateur, à la fois frondeur et respectueux, à la fois sérieux et folâtre, un peu comme dans votre beau texte liminaire, nous fait rêver à quelque chose comme Les carnets de voyages du conchyliologue amateur qui en voulait. De tels carnets, moins savants, plus émotivement impressionnistes, seraient-ils dans vos cartons pour l’avenir?

A.E.B.: Non. Je verrai dans quelques années. Pour l’instant, je termine un recueil de nouvelles centrées sur la mise en paix du Soi par l’acceptation des souterrains et de leurs vertus, acceptation qui n’a rien d’une fascination évidemment.

Y.: Car ce conchyliologue est aussi spéléologue… Ce sera à lire, ça aussi. Des gens spéciaux, de fait, ces conchyliologues. Voraces mais vachement humains, quelque part… Je pense sans discontinuer à ces douzaines d’entre eux qui se sont mis, lors d’un événement public, à vous aider spontanément, par paquets, à rechercher une petite coquille grosse comme une bille qui venait de rouler au sol et qui fut effectivement sauvée. Oui, des humains hors du commun. Alors, pour conclure sur eux et sur vous, faites nous donc le portrait–robot du conchyliologue amateur contemporain et, dans le même souffle conclusif, pourquoi pas aussi le portrait-robot du lecteur cible de votre ouvrage du jour, tel que vous le concevez, le fantasmez ou le rêvez.

A.E.B.: Des conchyliologues, je n’en connais que par correspondance. Ils m’alertent sur une erreur, me donnent une coquille, me demandent la traduction d’un article ou me supplient de leur filer un spécimen pour leurs études. On s’envoie des bêtes et des messages, des images et des questions. Je questionne beaucoup, ils répondent beaucoup. J’ai de bonnes relations avec le Museum d’Histoire Naturelle de Genève; un mien camarade, collectionneur et conchyliologue amateur, est en très bon termes avec le Museum d’Histoire Naturelle de Paris. Nous avons nos sources! Quant aux collectionneurs, les profils sont très divers. Je fournis en ce moment du sable coquillier à un ami allemand qui adore en extraire les centaines de petites espèces; avec un pinceau fin, une bonne loupe et quelques sachets, un bon saladier de shell grit fait passer l’hiver de la plus tranquille des manières. Un autre camarade m’envoie des images pour mon atlas en ligne. Un troisième m’inonde de ses trouvailles, et je lui envoie en retour un paquet de ce que j’ai reçu par ailleurs et qui me semble devoir l’intéresser. Un quatrième ne saurait concevoir son existence sans écumer telle famille de A jusqu’à Z, et doit impérativement produire les tous premiers articles à chaque nouvelle découverte vraie. Il possède chez lui plusieurs centaines de milliers de spécimens de cette seule famille, et est co-auteur des ouvrages de référence qui s’y rapportent. Comme je me sépare souvent des coquillages que j’ai en trop en les exposant sur un site de vente aux enchères, j’ai pu faire la connaissance de divers types d’acheteurs. Il y a celui qui a aussi peu de sous que moi, et qui établit ses commandes avec les soins les plus minutieux. Il y a ceux qui, loin de tout souci financier, désespèrent tout le monde en posant une enchère qui écrase tout dès le début, bien certains qu’une bonne outrance clôt toujours le bec à la concurrence. Quand deux de ces fauves s’empoignent, le vendeur peut s’attendre à faire un joli gain. L’un de ces grands acheteurs entasse les paquets qu’il reçoit, et m’avoue n’avoir pas le temps de les ouvrir – il anime une émission sur une chaîne de télévision dans le Benelux, ce qui explique sa vie trépidante. Avec beaucoup de ces gens je noue des relations d’amitié ou de camaraderie, basée sur l’estime: leurs études et leurs amours sont respectables, harmonieuses, éclairées et sereines. Ils sont fertiles et m’aident souvent dans mes identifications. Les compulsifs sont rares, et on essaie en général d’établir des circuits parallèles pour éviter qu’ils se manifestent et interceptent. Quant au lectorat rêvé du présent ouvrage, j’imagine avec plaisir qu’il s’agit d’un jeune humain qui, ouvrant au hasard les titres de ce fichier, tombera en arrêt devant une coquille qui lui parlera et lui chuchotera les mille promesses, qui toutes seront tenues, que la mer offre à celles et ceux qui la regardent avec les yeux d’enfants du vieux pêcheur de mon histoire liminaire.

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Allan Erwan Berger (2014), Quarante-quatre coquillages de Méditerranée, ÉLP Éditeur, Montréal, format ePub ou PDF.

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