La poésie est un genre littéraire aussi ancien que la littérature elle-même. Elle prend son origine dans la tradition orale et, par le fait même, elle précède l’écrit. On comprend aisément que son importance ne saurait être mise en doute. Certes, la poésie a beaucoup évolué depuis ses débuts. Des vers codifiés nous sommes passés aux vers libres dont la rime est souvent absente. Cette poésie-là a ses poètes, ses lecteurs, ses moyens de diffusion grâce à quelques maisons d’édition spécialisées qui subsistent tant bien que mal malgré les difficultés – financières, entre autres choses.
Mais il y a aussi la poésie qui se retrouve dans la vie quotidienne des gens par le moyen de la chanson. Certes, d’aucuns prétendent qu’il s’agit d’un genre mineur… Peu importe, ces airs qu’on écoute chaque jour à la radio au point de les connaître par cœur imprègnent notre quotidien. Et quand plus tard, on se remémore les événements qui ont marqué notre vie, on se rend compte que des chansons sont associées à chacun d’eux, chansons qui servent d’ailleurs de déclencheur au processus mémoriel.
Qu’écoutent donc tous ces gens dans leurs oreillettes de leurs smartphones? Des chansons, donc de la poésie versifiée. Certes, on peut douter de leur qualité… mais, à l’instar des romans, voire des films, cette qualité est parfois bonne, parfois mauvaise.
Chez ÉLP éditeur, nous sommes sans doute un des seuls éditeurs 100% numériques qui publie encore de la poésie. À l’exception du magnifique recueil de Thierry Cabot, La Blessure des Mots, nous n’en vendons pas beaucoup, mais certains membres de notre équipe tiennent la poésie en haute estime et n’hésitent pas à investir de leurs temps pour continuer à en éditer. Pourquoi pas? Après tout, chez ÉLP éditeur, l’argent n’est pas notre motivation première, du moins tant que nos dépenses demeurent limitées. Nous vendons des ebooks, pas des panneaux solaires.
Personnellement, je ne partage pas toujours l’enthousiasme des mes collègues pour ce genre littéraire. Bien entendu, je n’ai rien contre le fait de publier des recueils de poèmes, mais je doute que le livre, même sous la forme d’un ebook, soit le meilleur véhicule à cette forme de création littéraire qui a traversé les siècles. À mon humble point de vue, je pense sincèrement que le blog, notamment le blogbook, s’avère un véhicule beaucoup plus adapté à la lecture des poèmes en notre siècle technologique. Imaginez un projet de recueil qui prendrait la forme d’un blogbook sur lequel le poète publie un poème par semaine. Cela n’empêcherait pas de publier le recueil une fois la première phase terminée, mais cette publication constituerait le résultat du processus de création et de diffusion, son aboutissement, et non un moyen de diffusion privilégié. Imaginez un poète qui réussirait à fidéliser un certain nombre de lecteurs au fil des semaines. Cela lui ferait 104 poèmes en deux ans, donc un recueil. D’année en année, le poète construirait son œuvre et, au bout du compte, risquerait d’être beaucoup plus lu que s’il publiait au préalable un recueil, ouvrage qu’il vendrait sans doute à quelques exemplaires dans les trois premiers mois avant qu’il ne tombe dans l’oubli.
Non, plus je réfléchis à la question, plus je crois que le blogbook constitue le meilleur véhicule pour la poésie, un moyen adapté au temps présent et qui remet à l’avant-scène un genre littéraire qui n’est pas prêt de s’éteindre.