VACUUM, LA FÉE A L’ENVERS – CONTE POUR ADULTES (Pierre fayard)

Vacuum

On a ici rien de moins que le petit conte enlevant de l’expectative tendue. Comme le déploiement en éventail des pouvoirs longuement anticipés du super-héro de service, l’action terrible et cruciale de la baguette de la fée Vacuum nous fait languir de se laisser attendre. Envers nous, elle est quasiment l’Arlésienne des fées. Elle est comme Clochette qui vient, d’un coup d’aiguille, taper sur le tableau et en crever la bulle. à la fin de la tonitruante et pétaradante campagne de pube. Car, bon, l’innovante légende de la fée Vacuum est relatée ici ex post. C’est une historiette iconoclaste, satirico-philosophique et contemporaine. On sait que l’histoire, écrite à la sauce du présent par les chroniqueurs du moment, justifie, filtre et oriente plus qu’elle ne rapporte fidèlement. Poil aux dents. C’est aussi que la fée Vacuum clôt un cycle, et pas le moindre des cycles. Le cycle atavique de la création du monde.

Il faut implacablement entrer là-dedans en prenant du champ. On doit donc d’abord et avant tout revoir le récit de ladite création du monde et ce, de fond bouffon en comble potache. Il faut retrouver le Grand Architecte, son goût anthropomorphisant pour les pommes rouges, craquantes et fraîches, ses escarmouches perpétuelles avec Adam et Ève, son omnipotence usurpée, ébréchée, distante et angoissée. Il faut aussi s’introniser, bien en rythme, dans le monde complexe, subalterne et chatoyant des fées. Il faut s’imprégner de leurs fonctions besogneuses, de leur byzantine division du travail, de leurs déterminismes existentiels, de leurs acronymes percutants et aussi… de leurs petites personnalités affirmées. Les fées veulent agir certes mais, plus inconsciemment, elles veulent aussi briller, elles veulent scintiller, car la dorure de l’ego est vitale dans l’auto-estime féérique. Et quand la découverte de leur sensualité va s’entortiller dans l’affaire, tout va de surcroît se compliquer… et s’insurger aussi.

Aussitôt que l’humain et l’humaine sortent du paradis terrestre, patatras, c’est la techno-tornade. Une tempête mythologico-problématique de plusieurs millénaires nous roule sous le nez en quelques chapitres. Deux thèmes classiques, savoureusement et humoristiquement revisités, s’imposent alors à nous. Le premier de ces thèmes. c’est celui du golem, de la créature débordant machinalement son créateur. Comme l’être suprême organisateur est un vrai concepteur mais un faux dieu, le golem de ce grand apprenti sorcier involontaire ici, ce sera nul autre que l’être humain, tel qu’en lui-même. Ce dernier commencera par jouer des religions comme on joue d’une gouache avec les doigts. Comble de lèse divinité, les humains s’ingéniaient à s’inventer des religions qu’ils hybridaient sans soucis de cohérence, juste pour en tester la fertilité pratique. Ensuite, on aura la technocratie, l’ADN, la cyber-culture, le cartésianisme ratiocineur et la cynique tempête financiariste (je vous coupe le foisonnant détail). L’horloger du déclic initial perdra complètement le contrôle de sa lourde et complexe clepsydre hydraulique. Il ne la brisera cependant pas (car là c’aurait été le Déluge). Il n’y aura donc pas d’Arche mais il y aura quand même —hum, hum— la fée Vacuum…

Le second thème rencontré ici sera celui de l’androïde humanisée. Insensible au départ, imbue de ses fonctions terribles dont je vous tais le détail fin, roide et glaciale, presque robotique, la fée Vacuum est graduellement commise et compromise avec sa fascination inattendue et déroutante pour la sexualité torride de ces humains sensuels qu’elle se devait initialement de cerner en un cadre beaucoup plus abstrait (pour dire les choses pudiquement). Comme une androïde pré-programmée ailleurs et d’autre part donc, la fée Vacuum, prenant hardiment Ève pour muse, rencontre éventuellement son capitaine Kirk (à répétition) et bascule dans l’hommerie la plus sémillante imaginable. Je ne vous en dis pas plus. Il faut savourer comme lait et miel la discrète mais implacable gauloiserie du tout de la chose…

Ritournelle néo-mythologique comiquement revisitée en tourneboule, le texte de Pierre Fayard est vif, nerveux, ironique, goguenard. Les vagues et les replis du récit sont chamarrés d’une bouffonne iconoclastie. Dans un sens ou dans l’autre, ce conte a du souffle. De fait, il est emporté par un incroyable élan aspirant. Il nous avale atterrés et nous régurgite railleurs. Et quand on en finit avec ce petit roman, on juge en conscience que le tout de la mise en existence cosmologique fut rien de moins qu’une bourde monumentale. Mais pas grave. C’est absolument pas grave. L’erreur est créative.

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Pierre Fayard, VACUUM, la Fée à l’Envers – Conte pour adultes, Montréal, ÉLP éditeur, 2015, formats ePub ou PDF.

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