Tout le monde convient que la générosité est l’une des qualités les plus nobles. Celle qui est vrai, et non pas un calcul. Là où cette qualité devient une émotion, c’est dans le regard de l’autre. Pas toujours le regard de la personne qui reçoit. Souvent dans le regard d’une tierce personne qui est témoin de cette générosité.
Dans cette équation, le donneur est la personne qui comme on dit a du cœur. Elle peut donner de l’argent, de la nourriture, du temps, du réconfort. Tout le monde sait que la générosité est un don qui peut prendre les formes les plus diverses. Son émotion est celle du devoir de partage. Le receveur est la personne… qui reçoit. Son émotion est la reconnaissance, mais aussi la joie de ne pas être laissée pour compte. Ce que le donneur donne, c’est donc davantage que ce qui est donné: c’est de la considération et c’est tout aussi important.
Dans cette même équation, il y a moi qui suis témoin de cette générosité et qui ressent aussi une vive émotion. À la vue de cette scène, il me vient une envie folle de donner moi aussi. Mais au risque de vous choquer, c’est toujours au donneur que j’ai envie de donner.
Je ne connais rien des valeurs de la personne qui reçoit devant moi. Je ne doute pas un seul instant qu’elle mérite de recevoir. Par contre, je viens d’en apprendre beaucoup sur les valeurs de celle qui donne. J’aurais envie de lui donner à mon tour. Pas pour la payer. Pas pour la rembourser. Tout de même pour une raison d’équité : les personnes qui méritent le plus de recevoir sont à mes yeux celles qui donnent. Je voudrais lui donner du respect, de la reconnaissance et même de l’admiration. Pour être bien certain qu’elle reçoive elle aussi.
D’autant plus que je sais une chose : les personnes les plus généreuses sont souvent celles qui ont le moins reçu. Celles qui savent ce que signifie être dans le besoin. Tantôt les besoins de base, comme la nourriture, les vêtements, mais tantôt les autres besoins de base que sont la sécurité, l’affection, la tendresse, parfois même l’amour. Peu habituées à recevoir, elles donnent. Elles donnent même l’exemple. Comme pour réparer l’ignominie de la non-considération.
Le problème, toutefois, c’est de réussir à leur donner. Elles n’en ont pas l’habitude. Ça les gêne. Ça les indispose. Comme si elles n’y avaient pas droit. Comme si la générosité n’était due qu’aux personnes en grande détresse. Comme si elles n’avaient pas besoin, elles aussi, de considération.
Oui, la générosité est affaire d’émotion et donner aux personnes qui donnent est aussi important que donner aux personnes qui ont besoin. Elles ne vous le diront pas, mais elles aussi ont besoin.