La baise ratée (Pierre Charles Généreux)

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Quand elle est arrivée, je croyais mesurer
Ses belles proportions, son parfait équilibre.
Il me vint à souhaiter qu’elle était animée
De perfides intentions et d’un esprit libre.

La démarche altière, le menton relevé,
Juchée au sommet d’échasses vertigineuses,
Elle voguait entre les tables sans démâter,
Que des lignes droites, pas de masses adipeuses.

Elle refuse tout alcool, ne prend que de l’eau.
De plus, elle m’entretient des méfaits de l’ivresse.
Elle reluque, suspecte, mon Amaretto
Je cherche une façon d’expliquer ma faiblesse.

Elle déplie le menu et déclare, cynique,
Qu’elle ne mangera pas, elle est végétarienne!
Je retiens ma langue, redoutant qu’il advienne
Qu’elle s’offusque encore que je sois catholique…

Assis dans le taxi, roulant vers son appart,
Elle avoue que ce n’est pas dans ses habitudes
De se livrer à ce genre de turpitudes.
Il s’en est fallu de peu, du coup, que je parte.

Des boites de Purell partout dans la maison,
La chambre, la cuisine, le boudoir, le salon.
La peur des microbes, un trouble délétère,
L’angoisse de la mort, mais d’une autre manière.

Si les préliminaires annoncent la finale,
Je veux vite en finir, impatience et soupirs.
J’espère le meilleur, j’appréhende le pire,
Nos baisers sont pincés, maladroits et bancals.

Sans veston ni cravate, elle me trouve moins beau.
Elle croyait que j’étais Rudolf Valentino.
Elle est difforme lorsqu’elle sort de son corset
Tiré vers le bas, ce qui, alors, se tenait.

La trouvant belle au bar, me voici confronté
À une fesse qui tombe, à un sein vide et mou.
Elle ne veut pas de moi, elle n’est plus que dégoût.
Vais-je survivre au choc de la réalité?

Au moment d’y aller, de conclure ce pacte,
Reculer en bon ordre, éviter la débâcle,
Reconnaitre l’erreur et savoir abdiquer.
Pas plus que moi, n’a-t-elle envie de forniquer?

Elle ne sent de ma peau qu’un effet urticant,
Elle se cabre au contact de ma main, la touchant.
Me prendre dans sa bouche équivaut à devoir
Manger un rat noyé, crevé, dans l’écumoire.

Ses cuisses sont serrées, mon ardeur s’effiloche.
Ne suis-je pas moi-même exempt de tout reproche?
Il est temps d’assumer, de l’échec, la déroute,
Laisser mon érection se perdre dans le doute…

Pourquoi m’être enchainé à pareille galère?
Tout n’était qu’embarras, caresses mortifères.
Mon désir de chair fraiche est devenu toxique.
On ne m’y prendra plus, parole d’alcoolique.

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