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Aujourd’hui je m’envole pour Calgary afin de passer une dizaine de jours avec mes enfants. Toute excitée à la perspective de passer ce temps précieux avec ma progéniture, je me réjouis en plus de redécouvrir les Rocheuses, une des plus belles régions au monde. Je monte toute joyeuse et enthousiaste dans l’avion, accompagnée de ma fille, après avoir mangé la moitié d’un délicieux souvlaki à l’aéroport, l’autre moitié étant réservé pour le vol puisque désormais on ne nous sert plus rien de gratuit dans l’avion, et que pour une meilleure qualité/prix il est certainement mieux d’amener sa nourriture. Quelle femme et mère chanceuse je suis! Je m’installe. Comme nous n’avons pas réservé les places, ma fille est obligée de prendre le siège en arrière de moi.

Sitôt l’avion décollé tout le monde se préoccupe du petit écran qui se trouve devant lui. Moi j’ai acheté le livre Premier sang d’Amélie Nothomb qui a gagné le prix Renaudot en 2021. Heureusement! Mes voisins sont muets, les écouteurs aux oreilles, le regard collé à l’écran. Pour moi, qui suis crinquée et bavarde, quel supplice! J’ai l’impression pour une fois d’être entrée au couvent, dans une communauté qui a pour dieu, l’Écran. Ai-je pénétré un autre monde? Pour moi, l’avion c’était les rires, les conversations qui fusaient de toutes parts, la gentillesse de l’hôtesse de l’air, l’enthousiasme des passagers. Ici, je voyage avec des gens éteints qui n’ont aucune envie de connaître l’inconnu assis près d’eux. Des personnes à moitié mortes, complètement obnubilées par les images qui défilent devant eux et dont ils abreuvent leur cerveau.

Pour ajouter à cette scène cauchemardesque, tout le monde doit porter le masque, ce qui non seulement a pour résultat qu’on a l’impression de manquer d’air mais aussi complique la communication. Comme cela exige un effort supplémentaire, on préfère se taire et attendre que le calvaire se termine. Je vais essayer de faire une sieste. Au moins j’arriverai moins fatiguée et peut-être vais-je rêver à mes voyages aériens d’antan…

(Le 14 mars 2022, Extrait de mon Journal 2022)