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Que reste-il enfin
Des frontières qu’on franchit?
De ce que l’on atteint
Qui s’échappe et s’enfuit?
Des voyages où demain
N’est pas encore écrit?
Où l’avenir incertain
N’a pas encore choisi
S’il passe son chemin
Pour n’être qu’utopie
Ou devient l’instant succinct
Qu’on appelle aujourd’hui?
(Que reste-il enfin)
Des mystères sibyllins
Des confins de l’esprit
Qui jouent à la putain
Du fou et du génie
Et dont la poésie
Dénoue le nœud gordien
Par des alexandrins
Qu’un verbe glorifie?
(Que reste-il enfin)
De l’éther qui se peint
De ce sang qu’il trahit
À faire d’un nouveau matin
Le bourreau de la nuit
Quand, comme Hydre nourrie
D’ambroisie et de vin
Tel un cidre d’oubli
Soûle de son venin
Le jour qui la poursuit
Et qu’à son tour elle vainc?
Qui s’égoutte sans bruit
Comme d’une plaie qui suinte
Et qu’elle vêt de rubis
De pourpre et de carmin?
Toi seule tisse en ton sein
Fuligineuse nuit
Le long linceul vélin
Où Bételgeuse luit…
Sont-ils futiles et vains
Ces orages et ces cris?
Ou des îles au chagrin?
Des naufrages interdits?
Que le goût de la pluie
À la roue des moulins?
Que l’eau qui balbutie
Sur le lit des bassins
Et égrène, alanguie
Ses notes au clavecin
Des ruisseaux où s’épient
Les nixes et les ondins?
Ou les derniers témoins
D’un amour qui mendie
De mes bras à tes mains
Son bout de paradis?
Et s’il ne reste rien
De nos âmes meurtries
Que ce rift disjoint
Qu’incise l’infini
Si je n’ai de jardin
Qu’un brin d’herbe jauni
Où jadis a fleuri
La verveine et le thym
Pour qu’on s’en fasse un lit
Dans les draps de satin
Des aiguilles endormies
À l’ombre des grands pins
Si dans le vent qui bruit
N’existe de refrain,
Que la triste mélodie
De l’oiseau qui, soudain
À rejoindre son nid
S’empale à l’aubépin
Et dans son agonie
Que la détresse étreint
Fait cadeau de sa vie
Et de son chant divin
Souviens-toi qu’aujourd’hui
Son appel est le mien.
Si je n’ai de jasmin
Que la fleur d’une ortie
Si je n’ai d’ambre gris
Que l’odeur qui la oint
De parfum souverain
Que celui qu’on réduit
À se chercher en vain
Au flacon de l’ennui
Si des esters exquis
Qui ne sont plus les siens
Ne reste en son écrin
Qu’une effluve flétrie
Dès lors qu’on falsifie
Ce que sublime atteint
Ce qu’ultime ennoblit
Et quintessence ceint
Alors, il me suffit
Tout le mal, tout le bien
Et le plus et le moins
Qu’exister porte en lui
Si des pas qui, sans fin
Tuent et mangent la vie
Le trépas est celui
Qui la change en destin
Reviens-moi, je t’en prie
Vivre a d’autres desseins
Et quel qu’en soit le prix
Vas, vis et deviens…
Une poétesse très inspirée au lyrisme flamboyant.
Merci beaucoup!