.

Si longtemps je me suis refusée à son appel pressant, son impérieuse urgence qui faisait si fidèlement écho à mon insondable détresse, à l’abysse sans fond où je m’immole.

Car j’avais cette peur si absolue, si douloureuse, puisque chargée des chagrins du temps qui passe, cette peur si puissante qu’elle me suffoquait, m’aspirant en son maelström, m’enlevant sur elle toute emprise.

Une peur si pernicieuse, qu’elle s’était infiltrée en moi, jusqu’à m’habiter comme un gouffre dont les lisses parois ne cintrent et ne cernent que le vertige de la vacuité.

Féline au feulement feutré, la peur n’avise de sa présence que lorsqu’elle vous a déjà gobé et vous possède tout entier, se détectant de sentir encore pulsante sous ses crocs enfoncés, l’ultime agonie déliquescente suintant sous sa morsure.

Et j’avais si peur, que dans le désert aride de mon esprit flétri, abscons et turbide, avide de silence et de décantation, tourmenté par trop de ses propres souffrances et par celles, dont par les autres, il avait été gavé jusqu’à la nausée et l’excès, je ne puisse jamais retrouver le goût d’écrire… comme on se rappelle le goût de l’eau… humide et frais, doux et pur, vital et serein, cristallin comme une espérance, infime atome de vie primordiale épanoui parmi l’inutile, parmi tant de stérilité et de regrets.

Émergence, pulsion et destin, fusionnés dans le même mot, comme une trinité divine s’incarnant dans la même peau, le verbe m’est essence, il m’est souffle afin qu’il s’enfante à nouveau des roses, de ces concrétions de sable que sécrètent, même jusqu’au seuil du trépas, les replis inavoués des dunes altérées, où reposent les pays de mon âme et, qu’inlassablement, érigent et désagrègent, forgent et égrènent, inventent et érodent, cisèlent et moissonnent, créent et oblitèrent des Saharas d’amertume que, sans fin, le Sirocco charrie et embrase…