Deviens sans cesse celui que tu es
Friedrich Nietzsche
Les soins palliatifs sont à la maison.
Fred est toute dévouée, pleine d’une abnégation intelligente écoutant son instinct.
Après l’affolement des jours scolaires de la mère et de la fille incluant les examens, le transport des joutes de hockey et toute la gestion de la maisonnée en plus des soins à donner à Julien et les visites à l’hôpital, de nouvelles règles sanitaires furent formulées concernant un virus qui a confiné une partie de la planète.
À partir de ce moment, un voile s’est déposée sur la petite famille et a apporté calme et répit mental.
La mort fait partie de la vie.
Julien est alité sur un lit ergonomique, on a ajusté les besoins d’hygiène et de mobilité.
Lorsqu’il veut respirer l’été précoce de mai, Frédérique le déplace en fauteuil roulant sur la terrasse à l’air libre.
Ses forces le quittent peu à peu.
Quelques semaines auparavant il glissait de la table au salon, de l’ordinateur au lavabo. S’il ratait une marche de l’escalier qui le menait à sa chambre, en s’effondrant il se cassait en morceaux.
***
Il est paradoxal de voir la vie dans l’attente de cette mort.
On y vit plus ou moins en autarcie, c’est un fait et pourtant Julien participe aux activités par ses conseils et ses réflexions.
Couché à demi sur des oreillers et un petit ours brun en peluche dont la taille s’ajuste à son besoin de soutien de la colonne cervicale, il est présent au monde.
Les fenêtres laissent pénétrer une lumière tamisée.
***
Ce midi-là, hormis la douleur pour le père de perdre sa propre vie et pour Vitalie de l’abandon qu’elle pressent, il régnait à ce moment une grâce inattendu et pourtant naturelle sous l’épinette blanc dans le jardin.
Sur la galerie de bois jouxtée au séjour, la mère et amoureuse assise près de sa jeune adolescente et de la visiteuse d’un jour invite au repas.
Tout en lunchant, on y discute tous ensemble d’un nouveau potager hors sol.
Julien est chez lui.
L’existence est un monde en soi, c’est un monde entier se dit-il.
***
Contrairement aux hommes et femmes qui expirent une dernière fois leur vie allongée jusqu’à la fragilité extrême de l’ossature de leur corps, Julien regarde la nature se révéler encore une fois, ébloui des choses vivantes qui l’entourent.
Même quand la vie ne tient qu’à un fil on veut croire à l’immortalité.
Très beau texte écrit avec sensibilité mais sans mièvrerie. Fine observation de ces moments de vie. Julien a compris que la vie se constitue de cycles et qu’il en est rendu à la fin d’un cycle pour en aborder un prochain…
Merci du commentaire. J’ai tenté de rendre la grâce ressentie en ce moment particulier.
Profonde réflexion sur la vie suscitée par un malade en fin de vie. On ressent le calme, la paix, la sérénité du quotidien que vécus par tous en ces jours particulièrement denses en émotion.